la miséricorde, le fruit des entrailles

Accueil du site > Actualités > la miséricorde, le fruit des entrailles

MONTFERRAND 3 septembre 2016

Miséricorde, le fruit des entrailles

Pour dire la miséricorde, l’hébreu parle des entrailles, du ventre, de l’utérus, ce que notre vocabulaire nommerait aujourd’hui les « tripes ». Vais-je t’abandonner, Éphraïm, et te livrer, Israël ? Vais-je t’abandonner comme Adma, et te rendre comme Seboïm ? Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent (Osée 11,8). Cette bienveillance — où Dieu veille — a ses privilégiés : les pauvres, les orphelins et les veuves, les êtres dépossédés de tout. La miséricorde de Dieu veut ainsi effacer la honte de nombreuses femmes atteintes de stérilité, et de couple sans descendance. Les entrailles de Dieu s’émeuvent pour rendre fertiles les entrailles d’une femme et la liste de ces bénéficiaires est notable. Sarah, femme d’Abraham et mère d’Isaac ; Rebecca, femme d’Isaac et mère d’Esaü et Jacob ; Rachel, femme de Jacob et mère de Joseph ; Les parents de Samson ; Anne, mère de Samuel ; Élisabeth, mère de Jean-Baptiste.

La miséricorde dépasse le pardon

Ne confondons pas la miséricorde avec le pardon des péchés. Il est essentiel de les distinguer, même s’ils ont en commun un don identique de guérison et de réhabilitation et que tous deux rétablissent une relation rompue. Le pardon est inclus dans la miséricorde, mais la miséricorde est bien plus vaste que le pardon. Dans le credo, nous affirmons croire à la rémission des péchés. Le contraire du péché n’est donc pas la vertu mais la foi dans le pardon. Le repentir, nécessaire au pardon est rarement exprimé dans l’Évangile. Jésus ne fait jamais de reproche, de même qu’il n’exige pas de repentir, ni de la part de Zachée, ni de Madeleine, ni de la samaritaine, ni de tous ceux qui le reçoivent. Le pardon s’applique au péché qui concerne l’agir et ses conséquences, là où la responsabilité et la liberté de la personne sont engagées. Pour cela, il y a dans l’Église catholique un sacrement : celui de la réconciliation, avec l’absolution qui, au nom de Dieu, efface toute dette. Alors, c’est la joie qui triomphe, comme pour la brebis, la pièce d’argent et le fils perdus et retrouvés. S’il y a repentir, il est déjà loin derrière. Dans l’Évangile, Jésus est toujours libre des apparences, il connaît autrement. Nous le voyons avec la samaritaine, la pécheresse ou Zachée. Tout le monde le sait, ils sont « pécheur » ou « prostituée » ou « adultère »… Pour Jésus, ils sont bien différents. Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse (Luc 7, 39). Voyant cela, tous murmuraient et disaient : « Il est allé loger chez un homme pécheur ! » (Luc 19, 7). Si le pardon s’applique au péché – au « faire » – la miséricorde, elle, touche l’être entier, là où une accusation veut détruire la personne. L’accusation, par les autres ou dans notre propre cœur, touche à l’être. Elle porte sur qui je suis : « Tu es idiot, méchant, nul… » Ainsi que toutes autres insultes à caractère sexuel, misogyne ou homophobe pour les plus humiliantes. Cette accusation est toujours mensongère puisqu’elle prétend atteindre l’être et le détruire. Or notre être, déjà tellement inconnu de nous-mêmes, n’est connu par personne d’autre que Dieu. Jésus lui même a été condamné à cause de qui il était et non pas à cause de ce qu’il a pu faire ou dire. La miséricorde ne dépend donc pas du péché ou de la situation morale de quelqu’un, c’est l’amour gratuit absolu de Dieu toujours disponible, comme une surabondance de vie qui immerge la personne. C’est son être même que le Tout-Puissant partage aux autres êtres. Il se fait le plus proche du plus petit, jusqu’à s’incarner et traverser la tentation, le mal et la mort. Le Christ est le visage de la miséricorde du Père, non pas parce qu’il pardonne, mais parce qu’il épouse notre condition humaine jusqu’à être confondu avec les pécheurs. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu (2 Corinthiens 5, 21).